9 défis essentiels pour l'emploi et le travail des personnes handicapées...
1 – L'élargissement de la reconnaissance du handicap va probablement se poursuivre et impose une révolution en profondeur des politiques en faveur des personnes handicapées pour les acteurs publics et prives
L’importance de la reconnaissance du handicap est un passage central identifié lors de la construction des différents scénarios. Elle met en lumière les tensions parfois contradictoires entre la tendance à une reconnaissance élargie, fruit de la prise en compte de pathologies comme le handicap psychique, les impacts des effets structurels du vieillissement et la pression des difficultés du marché du travail. .
Cette tendance à l’élargissement de la reconnaissance du handicap, même si elle semble connaître un palier, risque de provoquer des effets ‘délétères’ sur la capacité des acteurs à répondre aux besoins des personnes handicapées dans les années à venir dans un contexte budgétaire contraint.
L’augmentation probable du nombre de personnes handicapées dans la prochaine décennie imposera de façon quasi certaine de revoir l’ensemble des logiques d’action en faveur des personnes handicapées. La revue de ces dispositifs de la part des pouvoirs publics, devront répondre, comme pour d’autres publics fragiles, à la sortie d’une logique d’assistance couteuse au plan financier et humain pour aller vers une logique d’accompagnement au cas par cas, vers la formation, l’emploi, l’activité…
2 – L'auto-représentation des personnes handicapées est une tendance lourde qu'il convient d'intégrer dans l'élaboration des futures politiques
Les mouvements d’auto-représentation des personnes handicapées sont considérés dans l’ensemble des scénarios comme un point de passage obligé des évolutions permettant très probablement une accélération de celles-ci.
Cette évolution vers l’auto-représentation pourrait être favorisée par les pouvoirs publics en revoyant par exemple les principes de la représentation des personnes dans les différentes instances de pilotage et de gestion de la politique en faveur des personnes handicapées à l’image de ce qui a été fait pour les syndicats.
3 – La tendance forte à l'intégration des personnes handicapées dans les dispositifs d'insertion en faveur des publics fragiles doit être maîtrisée et accompagnée
La plupart des scénarios envisagés concernant les politiques d’emploi et les personnes handicapées considèrent que la tendance majeure est à l’intégration autant que possible de ces personnes au sein des dispositifs tournés vers les publics fragiles et éloignés de l’emploi. Ces différents publics partagent en effet des problématiques communes d’accès à l’emploi.
A l’image de la politique d’intégration scolaire après la loi de 2005, cette évolution d’intégrer largement au sein des dispositifs d’insertion les personnes handicapées permettra à un nombre beaucoup plus important de personnes d’accéder à la formation professionnelle.
Dans le même temps, le risque relevé est celui de l’insuffisante prise en compte des besoins spécifiques des personnes handicapées comme l’accessibilité physique ou pédagogique par exemple aboutissant à leur éviction. La concurrence entre les publics pourrait aussi jouer en défaveur des personnes handicapées. Les entreprises pourraient craindre à avoir à faire face à des difficultés supplémentaires du fait du handicap.
Des moyens et des politiques adaptées devront être déployées pour limiter les risques d’inadaptation des dispositifs communs bénéficiant demain et de plus en plus aux personnes handicapées. Cela passe par la mise en place en appui de cellule/service d’expertise et par des démarches d’accompagnement des individus et des organisations concernées.
Cette question de l’adaptation des dispositifs communs aux besoins spécifiques des personnes handicapées renvoie naturellement à celle de l’accompagnement des personnes handicapées dans leur parcours de formation, d’insertion, d’emploi tout au long de leur vie (voir infra).
4 – La nécessité du déploiement de grande ampleur de dispositifs d'accompagnement de la personne handicapée et des organisations
Les dispositifs d’emploi accompagné ont actuellement la faveur des pouvoirs publics et de grandes associations engagées en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
De cette première étude prospective, il ressort bien que l’accompagnement individualisé, « à façon », des personnes handicapées vers l’emploi doit être entendu dans une acceptation large, intégrant l’accompagnement dès l’étape de l’orientation, au cours du parcours de formation de plus en plus souvent banalisé, du parcours d’insertion, lors de l’accès à l’entreprise, et de leur vie professionnelle en son sein….
Il ressort aussi de l’ensemble des travaux que cet accompagnement doit concerner à la fois la personne handicapée et l’organisation qui l’accueille comme les expériences de plusieurs pays européens l’ont montré en particulier en l’Irlande.
Cet accompagnement doit être envisagé dans sa diversité : porté dans certains cas par des personnels externes à l’entreprise (pour les plus petites entreprises notamment), et dans d’autre par des systèmes de tutorat ou de coaching interne à l’entreprise ou l’organisme.
Le développement de l’emploi accompagné pour produire des effets significatifs sur la progression de l’emploi des personnes handicapées devra être massif et rapide après les phases d’expérimentation déjà entamées. Pour obtenir cet effet d’échelle, en contexte budgétaire contraint, il s’agira très probablement de réorienter des budgets, des structures et des personnels vers ces nouveaux dispositifs aux plus près de la réalité des personnes handicapées et des organisations.
5 – L'accessibilité, un défi toujours prioritaire
L’accessibilité est naturellement au cœur de l’accès à l’emploi et au travail pour les personnes handicapées. L’accessibilité universelle souhaitée paraît un objectif difficile à atteindre dans les prochaines années dans un contexte de budget contraint et d’acteurs publics et économiques qui doivent faire face à de nombreuses contraintes. L’accessibilité à la carte, c’est à dire la capacité à mobiliser les moyens nécessaires parfois importants pour permettre l’accessibilité notamment de l’emploi doit être défendue avec d’autant plus d’engagement.
En matière d’emploi, la question de l’accessibilité tend à évoluer en profondeur sous l’effet de la diffusion du numérique qui entraîne une transformation du contenu et des conditions de travail marquées par la dématérialisation, les possibilités élargies de travail à distance. Ces tendances sont autant de façon de lever certains freins à l’accessibilité de l’emploi pour les personnes handicapées. Mais paradoxalement dans le même temps, de nouvelles difficultés en matière d’accessibilité numérique apparaissent avec le renouvellement incessant des outils numériques et la difficulté encore grande à intégrer la question de l’accessibilité dès la conception de ces outils.
Autre point en transformation, la question de l’accessibilité dite organisationnelle, qui montre qu’aujourd’hui ce n’est pas seulement les conditions physiques de l’accessibilité qui sont des freins à l’emploi des personnes handicapées mais aussi les difficultés à trouver une place adaptée dans des organisations moins hiérarchiques, en évolution quasi permanente, …
L’accessibilité numérique des outils des entreprises devra demain être prise en compte dès la conception de ces outils avec l’insertion dans les programmes de formation initiale et continue des développeurs des connaissances utiles pour parvenir à cette accessibilité numérique
6 – Le taux d'emploi obligatoire, des évolutions nécessaires à anticiper collectivement
La question du taux d’emploi obligatoire et de ses modes de calcul a été très régulièrement évoquée comme un point d’évolution nécessaire dans les années à venir.
Les limites actuelles des principes de calcul du taux d’emploi sont bien connues :
- la diminution tendancielle des budgets alloués à l’insertion professionnelle en période de chômage élevé en raison de l’amélioration du taux d’emploi et des signatures des accords au sein des entreprises ;
- l’effet de freinage en amont du taux de 6 % de crainte de la disparition des soutiens financiers publics aux politiques en matière d’handicap au sein des entreprises (même en la présence de mesure tendant a l’atténué) ;
- la difficulté pour les PME de conclure les accords et d’éviter les pénalités;
- les effets structurels du vieillissement qui caractérisent certaines grandes entreprises et ont pour effet de fixer le taux d’emploi à atteindre autour des 4 %…
D’autres éléments au regard des scénarios construits viendront remettre en cause la pertinence de ce taux en particulier la prise en compte d’obligations liées à d’autres types de public (les publics fragiles, la diversité, …).
Des questionnements ont aussi émergé relatifs à la part des achats externes dans le calcul de ce taux, considérée parfois comme un levier encore insuffisamment exploité en raisons de freins divers d’incitation à l’emploi des personnes handicapées au sein de PME sous traitante par exemple.
Un chantier réunissant l’ensemble des parties prenantes concernées apparaît comme nécessaire autour de ce sujet des principes de calculs de taux d’emploi pour en dessiner des perspectives d’évolution les plus favorables à l’emploi des personnes handicapées en cette période de chômage élevé.
7 – La déficience intellectuelle et les maladies psychiques, nouvelles frontières à dépasser pour la prochaine décennie ?
Depuis 2005, la forte progression de la reconnaissance des personnes handicapées psychiques est probablement un des facteurs de changements les plus importants qui a impacté les différents dispositifs en faveur de l’emploi et du travail des personnes handicapées. C’est en particulier le cas du travail protégé et de l’emploi accompagné, structures qui accueillent désormais largement ce public. En revanche, ces personnes souffrant d’handicap psychique connaissent encore de très grandes difficultés d’intégration et de maintien dans l’emploi en milieu ordinaire.
Autre réalité, paradoxalement, alors que les jeunes déficients intellectuels grandissent de plus en plus auprès de leurs pairs en milieu ordinaire, ils sont peu nombreux à travailler en milieu ordinaire notamment en l’absence de dispositifs adaptés (emplois accompagnés, … passerelles entre milieu ordinaire et milieu protégé, …). Dans le même temps, le risque est grand que dans les années à venir ils peinent de plus en plus à s’orienter vers le milieu protégé et adapté ouverts plus largement à différents publics, handicapés psychiques, publics en grande fragilité,… toujours dans un contexte budgétaire contraint.
Nombre d’entre eux pourraient être orientés à 25 ans dans des établissements spécialisés sans proposition d’activités à dimension professionnelle, et pas toujours insérer dans la cité.
Entamé notamment par l’Agefiph par des projets d’expérimentations, un plan spécifique de grande ampleur en faveur de l’emploi et de l’activité (à caractère professionnel) pour les personnes handicapées psychiques et déficientes intellectuelles devra être engagé dans les prochaines années : emplois accompagnés, incitation des entreprises, accès à la formation professionnelle, passerelle pour ceux qui le peuvent vers le milieu ordinaire, …
8 – Plusieurs voies possibles : emploi, travail, activité …
Emploi, travail, activité, constitueront très probablement les parcours des L’emploi à temps plein à tout prix ne sera pas pour tous, l’emploi sera parfois à temps partiel, à distance en partie, d’autre fois il s’agira d’un travail, dans le cadre du travail protégé s’exerçant en entreprise, dans d’autres la personne handicapée créera son activité, une association, une entreprise, ou sera bénévole …
La nouveauté demain pourrait être d’accompagner les personnes handicapées tout au long de leur parcours de vie dans la cité, même lorsqu’elles ne sont pas en situation d’emploi ou de recherche d’emploi. Elles pourront bénéficier des dispositifs d’insertion, de formation, d’accompagnement dans tous les cas de figure y compris lors de développement d’activités non marchandes…,
9 – La faiblesse des informations statistiques véritable frein aux déploiements de politiques efficientes pour l'ensemble des acteurs.
Tout au long de ce travail les analyses statistiques ont été très délicates à mener. Nous avons souvent été conduits à réaliser des règles de trois (trop) sommaires pour quantifier la réalité des phénomènes analysés. L’exemple des étudiants handicapés est révélateur. Nous avons obtenu le chiffre de 1000 jeunes handicapés sortant annuellement diplômé de l’enseignement supérieur par l’application de quelques règles de trois.
L’absence de statistiques fiables autour de la question de l’emploi et de la formation des personnes handicapées par exemple, tend à casser le thermomètre et est un frein à la mise en place de politiques efficaces de la part de l’ensemble des acteurs…
Il est essentiel que l’État dégage des moyens spécifiques pour permettre le suivi longitudinal de ces populations, de leurs caractéristiques, de leur situation en matière d’emploi, d’activité, de formation. Il s’agit de mieux orienter les politiques et les actions des différents acteurs et parties prenantes sur les différentes échelles (région, département, locale,…).
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